Nos “Sixglobetruckers” continuent leur long voyage en Sibérie et en Mongolie, où de nouvelles aventures les attendent. Leur voyage risque bien d’être plus long que prévu…
Entrée en Sibérie
En passant la frontière russe depuis le Kazakhstan le changement est assez brutal, nous retrouvons immédiatement des arbres, de bonnes routes, de la pluie, des magasins achalandés, un très bon réseau internet… Nous arrivons vite au croisement de l’Ob, immense fleuve russe, et approchons de Novossibirsk devenue 3ème ville du pays. Avec la pluie et les 18°C de la Sibérie au mois d’aout nous avons pour la première fois du mal à faire sécher le linge. Nous relançons donc notre poêle à bois et vivons au milieu d’habits pendouillants pendant quelques jours.
Attiré par l’odeur d’un de nos feux, Victor, habitant d’Akademgorodok dans le sud de Novossibirsk, frappe à notre porte et cherche à nous rencontrer. Il nous présente à sa famille qui nous a littéralement adopté pendant six jours : ils se sont mis en tête de relifter notre camion avant notre traversée mongole, persuadés que nous sommes au bon endroit pour faire des réparations mécaniques ! En effet la ville compte un grand carrefour de mécaniciens et vendeurs de pièces détachées pour l’ensemble des camions qui font le trajet de Moscou à Vladivostok. Ils nous ont présenté à leur ami Igor qui nous a piloté au travers de 5 garages ! Parlant parfaitement anglais ils ont fait toutes les traductions nécessaires et recherches d’adresses de façon à ce que nous puissions réparer notre chauffage (en panne depuis la Turquie), trouver au moins un amortisseur de rechange, changer les rotules, remplacer 2 lames qui s’étaient brisées, faire le gros entretien, faire enfin une bonne soudure sur notre compresseur, et raccrocher, mieux, notre pot d’échappement. Pendant tout le temps ou notre Truck s’est retrouvé au garage ils nous ont fait visité leur ville d’abord puis Novossibirsk.
Akademgorodok
Akademgorodok est une ville très particulière : elle a été créée par le gouvernement pour y expatrier les académiciens et chercheurs en 1950. L’objectif étant de leur proposer une « ville idéale » pour qu’ils puissent se dédier à leurs recherches, loin de Moscou et de Saint Pétersbourg ! Les maisons sont construites dans une forêt de bouleaux et une mer d’Ob a été créée à l’aide d’un barrage pour qu’une plage apparaisse au bout de la rue. Tout se fait à pied, tout le monde se connait, la vie semble y être simple et saine… La ville compte encore aujourd’hui le plus grand nombre d’instituts de recherche dans la même rue…
Novossibirsk
Puis nous avons aussi visité Novossibirsk : grands bâtiments de style soviétique, l’opéra, le cirque avec ses montreurs d’ours… et surtout : une des plus grandes gares du Transsibérien ! Nous croisons ici sa route que nous avons suivi pendant plus de 2.000km, soit 102 stations sur les 990 que compte le parcours total jusqu’à l’Océan Pacifique.
Victor nous a ensuite mis en contact avec un de ses amis pour qu’il nous guide au travers de la ville de Tomsk… puis nous avons pris la route de Krasnoïarsk. Ville ou le Michel Strogoff de Jules Verne est retenu comme prisonnier. Nous avons suivi une belle balade aménagée à travers la taïga pour accéder aux Stolbys, amoncellement particulier de roches que les touristes s’amusent à escalader.
Au travers des innombrables forêts de bouleaux et de sapins la route est encore longue pour atteindre Irkoutsk aux portes du lac Baïkal. Nous y avons passé les 20.000 km depuis le début du voyage et en avons encore profité pour abattre beaucoup de travail scolaire.
Irkoutsk
Irkoutsk a beaucoup de charme : ville très animée, maisons en dentelle de bois pastelles, clochés à bulbes dorés ou colorés, et l’Angara qui passe au centre sur laquelle flotte encore un des premiers brise-glace ! C’est là que nous trouvons une tique sur notre derrière !
Gare aux tiques !
Notre itinéraire de départ prévoyait que nous ne resterions que quelques jours en Russie pour arriver en Mongolie en passant par l’Altaï. Comme nous avons obtenu un visa touristique de 30j au lieu d’un simple visa de transit nous avons cependant modifié le programme et choisi d’en profiter pour atteindre le lac Baïkal avant l’entrée en Mongolie. Cette route au travers de la Sibérie n’avait pas été prévue dans notre consultation du voyage avant le départ… auquel cas nous aurions fait le vaccin contre l’encéphalite à tiques dont la région est infestée ! Les locaux prennent très au sérieux les recommandations : ils ne mettent pas un pied dans les herbes hautes, mettent les chaussettes au-dessus du pantalon, vaporisent le tout avec un répulsif spécifique et s’inspectent au quotidien. Lorsqu’ils trouvent une tique ils se rendent dans un « Centre de Prévention et de Diagnostic des Maladies liées aux Tiques » pour se la faire retirer et qu’elle soit analysée. Si elle est porteuse de l’encéphalite ou de la maladie de Lyme ils subissent alors une prise de sang et reçoivent le cas échéant un traitement immédiat. Nous suivons donc tout ce processus… et par chance notre tique n’était pas porteuse !
Nous sachant tous en bonne santé nous faisons de nouveau un saut dans un garage Iveco trouvé par hasard sur le bord de l’autoroute… ils ne peuvent trouver le dernier amortisseur restant à être changé mais se proposent de réparer l’ancien ! C’est donc avec un camion tout à fait réparé que nous atteignons les rives du Baïkal ! Il est surtout impressionnant en hiver lorsque les eaux sont gelées mais s’avère tout de même superbe en été : avec le Transsibérien qui le longe et en dégustant de l’Omul sur ces berges, nous comprenons les russes si nombreux qui viennent y passer leurs vacances.
La Bouriatie
A l’est du Baïkal se trouve la République autonome de Bouriatie dont l’identité culturelle est assez forte… déjà les visages changent, s’arrondissent, les yeux se brident de nouveau, les églises orthodoxes laissent place aux temples du Lamaïsme Tibétain. Nous y étions pour la rentrée scolaire, jour où nous avons visité un zoo comprenant les animaux de Sibérie, dont le léopard des neiges et la zibeline, deux animaux devenus rares et que les russes cherchent à préserver. Avec un dernier plein d’eau et un dernier gros marché nous nous dirigeons vers la frontière mongole le jour où notre visa expire !
Nous gardons de la Sibérie le souvenir de garages, d’amis que nous garderons, de bouleaux, de pluie… et du lac Baïkal que nous chercherons sans doute à revoir plus longuement !
En route pour la Mongolie
Passé les formalités douanières et le remplissage de notre « carnet de passage » nous prenons comme d’habitude une assurance et une nouvelles carte sim à la frontière et sommes de nouveau rapidement dans un tout autre décor. Les arbres ont disparu… nous retrouvons des chevaux en liberté, des cavaliers, des yourtes, des chameaux, un réseau internet aléatoire et de très mauvaises routes. Trop ré-habitués aux bonnes routes russes nous manquons de prudence et nous trouvons embourbés dans une piste boueuse au bout du 2ème jour. Nous cherchions à atteindre un monastère très isolé et ne sommes pas parvenus à destination avant la nuit. Si près du but nous avons continué à rouler, enfreignant notre règle de ne pas rouler la nuit et avons fini par être complètement bloqués dans de la boue. Par chance une voiture mongole est passée et le chauffeur a pris le volant du Truck ! Il nous a sorti de l’endroit après la 3ème tentative, et nous l’avons remercié avec un saucisson russe de nos précieuses réserves !
Le monastère qui se mérite nous a fait vivre l’ambiance de Tintin au Tibet, construit en 1724 il est l’un des plus anciens du pays encore en activité, nous avons assisté à la prière chantée du matin… très beau moment… et un des moines nous a ouvert tous les temples ! A l’issue de la visite nous y avons aussi trouvé une autre famille de français venus depuis Reims en camping-car ! Parents et enfants étaient heureux de trouver des compagnons de jeux et de conversation en français… et surtout de prendre la piste du retour en convoi !
Oulan Bator
Nous avons ensuite fait route au plus vite vers Oulan-Bator pour y demander nos visas chinois devenus difficiles à obtenir à cet endroit. En chemin nous bivouaquons au milieu d’une vallée, pas trop loin d’une yourte, n’étant pas trop rassurés par l’impressionnant orage a qui nous faisions la course… Au réveil nos bergers voisins nous invitent pour le petit-déjeuner ! Nous y allons surexcités de rentrer pour la 1ère fois dans une vraie yourte habitée : au Turkménistan et en Ouzbékistan nous sommes entrés dans des yourtes hôtel ou restaurant… au Kirghizstan nous avons été invités dans des tentes. Au menu thé salé et petits paquets d’omelette sucrée avec des beignets faits maison.
La conversation est rudimentaire, le mongol est très difficile à apprendre, bien qu’il s’écrive en cyrillique les mots n’ont rien de commun avec le russe. En plus d’un mois nous sommes péniblement arrivés à retenir « Bayarla » pour merci et « Saambayno » pour bonjour ! Nous sommes impressionnés par l’habitat resté très traditionnel, ainsi que l’habillement des hommes qui portent encore tous le Dell, un long manteau de laine croisé sur l’épaule qui se ferme avec deux boutons, une large ceinture colorée se rajoutant à la taille. Malgré notre présence la maitresse de yourte continuait à brasser sans cesse à la louche une énorme cuve de lait qui bouillait sur son poêle.
Problème de visa
Arrivés à Oulan-Bator nous avons tenté d’introduire nos documents pour la demande de visas chinois, mais avec la présence de tampons turcs dans nos passeports tout nous a été finalement rendu sans réelle explication. Nous avons tenté de réintroduire quelques jours plus tard notre dossier avec le consul honoraire de Belgique, mais sans succès, et le centre de visa a fermé du jour au lendemain pour les non-résidents (la raison semble être le grand congrès du Parti Communiste qui a lieu chaque année à des dates différentes… les centres ferment pour les non-résidents 2/3 semaines avant cet événement). Nous avons finalement dû envoyer nos passeports à une agence de visa à Bruxelles et nous résoudre à attendre la suite.
Pendant ce temps nous avons accueilli un de nos frères comme invité pendant une dizaine de jours. Ensemble nous avons fait un tour dans l’est du pays pour aller voir la plus grande statue équestre du monde ! Celle de Gengis Kahn, fierté des mongoles pour avoir créé le plus grand empire de tous les temps. Nous avons aussi fait un tour dans l’ouest du pays pour voir son ancienne capitale Karakorin, où se situe aussi le premier temple bouddhiste construite en Mongolie et un marché des plus authentiques. Restait encore à découvrir le sud avec son mythique désert de Gobi ! Nous n’avons pas été déçu… dunes à pertes de vue, canyon, falaises rougeoyantes… Nous avons profité des bivouacs nature qu’offrent ce pays, idéal à pratiquer en 4×4 et en autonomie ! Les paysages se succèdent et sont absolument superbes. Avec ses 3 millions d’habitants (la moitié vivant dans la capitale), il s’agit du pays le moins peuplé du monde : aucune construction en dur, pas de goudron, pas de fils électriques, pas de clôtures, les animaux paissent toujours en liberté au milieu de quelques yourtes clairsemées… cet environnement est unique.
De retour à Oulan-Bator il fait déjà bien plus froid et nous côtoyons les premières neiges ! Il n’y a pas réellement de « demi-saison » en Mongolie… nous sommes passés en quelques jours de nos sandales à nos doudounes. Nous nous félicitons d’avoir fait réparé notre chauffage à temps et d’avoir prévu des duvets confort -10°C ! La capitale est très contrastée par rapport à la campagne mongole : on y trouve tout le confort d’une vie à l’occidentale. Elle compte quelques musées intéressants, le plus grand temple du pays avec sa gigantesque statue dorée, le palais de l’ancien Kahn, et surtout le « marché noir », immense, où l’on trouve les selles en bois, tout pour la yourte, des Dell, les bottes mongoles en cuir ou feutre, les habits en cachemire… Nous avons aussi assisté au tournoi d’une des 3 grandes disciplines nationales : le tir à l’arc ! A la période du Naadam – la fête nationale mongole – cette discipline est disputée dans tout le pays en même temps que les courses de chevaux et la lutte. Nous avons enfin assisté à un spectacle représentant les particularités mongoles où l’on a entendu du chant diaphonique, le son des différents instruments traditionnels, vu les danses coutumières et chamaniques, ainsi que les costumes traditionnels et un numéro de contorsionnistes.
Refus de visa, changement d’itinéraire !
En parallèle nous avons suivi notre affaire de visas chinois : à Bruxelles le centre de visa ne fait plus mention des tampons turcs mais demande un document que notre agence chinoise ne parvient pas à nous délivrer, nous jurant que ce document n’existe pas ! Nous menons l’enquête aidés par le consul de Belgique à Pékin et trouvons la circulaire contre signée par 5 ministères chinois qui annonce que ce document n’est plus nécessaire depuis 2015 ! Le joindre à notre dossier n’a pas suffi… nous avons finalement été refusés tout de même. Nous avons donc dû élaborer un grand changement d’itinéraire, et nous remettre de la frustration de voir partir toutes les familles de notre groupe Chine avec qui nous avions préparé la traversée depuis un an ! La Mongolie n’a que deux pays frontaliers… si on ne repart pas par la Chine il nous faut repartir par la Russie d’où nous étions arrivés. Nous n’imaginons pas faire le même voyage dans l’autre sens (Kazakhstan, Ouzbékistan, Turkménistan, Iran, shipping jusqu’à Dubaï, puis shipping jusqu’à Kuala Lumpur) pour atteindre l’Australie et préférons l’attrait de la nouveauté : nous allons jusqu’à Vladivostok pour prendre un ferry vers la Corée du Sud puis vers le Japon. De là nous pouvons shipper pour l’Australie ! Nous sommes ravis de découvrir ces nouveaux pays mais ce qui nous ravi moins c’est de traverser la Sibérie au mois d’octobre avec des températures négatives tout du long et sans pneus neige !
« Attaque de douane »
Récupérant nos passeports à Oulan-Bator nous nous ruons donc pour demander en urgence des visas russes et dévalisons le marché de nouvelles chaussettes en poils de yack, bonnets en poils de chameaux, bottes fourrées, anoraks avec des plumes, et feutre de yourte à dérouler au sol de notre camion pour l’isoler ! Ainsi équipés nous roulons vers la frontière le dernier jour de validité de notre visa ! Garés juste devant la grille des douanes en attendant qu’elle ouvre après la pause de midi nous partons dans la cellule ranger quelques bricoles et récupérer nos papiers… à ce moment Nicolas regarde par la fenêtre et voit que le camion est en train d’avancer !! Il a oublié le frein à main ! Il saute pour courir l’arrêter mais c’est la barrière des douanes qui a finalement été plus rapide… nous avons avancé de 2 mètres, mais cela a suffi à rendre la barrière hors d’usage pour les suivants… Résultats de l’oubli : 4h de constat d’ « attaque de douane », 35eur de PV, 95eur pour la réparation de la barrière… et un os du pied cassé pour Nicolas qui a sauté héroïquement ! Il s’est fabriqué une semelle rigide, boite un peu en marchant, n’a pas mal s’il ne bouge pas ses orteils, et surtout… peut continuer à conduire ! Après cette dernière aventure mongole nous voilà prêts pour un retour en Sibérie !
A suivre…
Découvrez tous les récits des “Sixglobetruckers” sur leur site et dans le dossier “De Bruxelles à Sidney en truck”