Pour rejoindre la Corée du Sud, nos “Sixglobetruckers” doivent contourner la Chine via la Sibérie. Un voyage long et difficile…
Retour en Sibérie et cap sur la Corée du Sud
Petit rappel de l’épisode précédent : l’administration chinoise nous ayant refusé nos visas nous avons été obligés de prévoir un gros changement d’itinéraire… contourner l’énorme Chine n’est pas une mince affaire ! Nous avons opté pour une sortie vers la Sibérie et faisons le choix de tacler la neige et le froid pour atteindre Vladivostok et rouler 3.500 km dans les 30 jours d’octobre que nous offrent notre nouveau visa russe.
Pneu crevé
Dès notre premier jour en Russie nous nous garons sur le bord d’un chemin et nous retrouvons avec un clou de 7cm dans un pneu ! Avec les premières neiges, un froid glacial et son pied cassé, Nicolas a trouvé un petit garage pour se faire un peu aider et a héroïquement réussi à le changer le jour même.
Véhicules pris dans la neige
Nous nous remettons en route et la première vraie embuche du voyage ne se fait pas attendre. Nous nous retrouvons face à une pente complètement enneigée et verglacée dans laquelle les voitures sont coincées de travers et les camions patinent. Sans pneus neige et avec nos 10 tonnes nous ne tentons même pas la descente et faisons demi-tour. Nous commençons par nous renseigner : l’unique route qui traverse le pays ne sera pas déneigée comme nous l’espérions. Puis nous appelons notre ami Victor rencontré à Akademgorodok pour avoir son avis : faut-il laisser le camion à Irkoutsk pour l’hiver et continuer la route à la fonte des neiges au printemps ?
Nous commençons à regarder les prix des billets d’avion pour la Thaïlande où nous envisageons sérieusement d’aller attendre tout ce temps… Mais Victor se veut plutôt rassurant, pour lui ce sont les 1ères neiges, il va y avoir des périodes de redoux. Il a regardé la météo pour chaque patelin que nous allons traverser et à couplé les informations avec sa connaissance du relief de la région. Il nous a établi un planning à la demi-journée près à partir duquel nous devrions passer à travers les flocons : « Tchita vous devez avoir quitté avant 11h du matin, après la neige arrive, vous devez attendre 2 jours a Erofey Pavlovitch le redoux arrivera mercredi et vous pourrez passer etc. ». Avec ce regain d’espoir nous retournons à notre pente verglacée du matin et y découvrons que tout a fondu avec le soleil de l’après-midi ! Nous tentons donc le planning serré établi par Victor et avons considérablement augmenté notre temps de conduite. Excellente occasion pour les enfants de rattraper le travail scolaire que les très mauvaises pistes mongoles nous avaient régulièrement empêchées de clôturer.
Au bout de 3 jours nous retrouvons tout de même la neige, Nicolas s’est progressivement aguerri à une conduite extrêmement lente et peu brutale parvenant à passer quelques centaines de km jusqu’à ce qu’on tombe sur une partie plus abrupte et de nouveau verglacée. Nous nous arrêtons, étudions bien la pente, décidons de l’entamer tout de même, arrivons finalement au bout sans être trop rassurés et tombons sur une file de 50 camions arrêtés sur le bas-côté ! Sans doute ont-ils trouvé, comme nous, que c’était devenu trop dangereux. A peine arrêtés on se demande quand même… « Mais qu’attendent-ils ? » Après une bonne heure nous aurons notre réponse : un camion benne avec deux hommes dedans en train de pelleter de petits tas de terre sur la route ! Et voilà tout le monde reparti… ce « déneigement » semble leur suffire ! Vient notre tour de nous élancer dans la pente suivante, à 15km/h et à bonne distance de notre prédécesseur nous avons donc continué à avancer pour le reste de la journée, retrouvant quelques km plus loin une bonne partie de ces camions coincés à patiner dans les montées suivantes, nous obligeant alors à slalomer entre eux sans nous arrêter pour ne pas nous retrouver dans la même situation qu’eux !
Enfin libérés de la neige
Après ces quelques premiers jours assez éprouvants (1.250 km en 3 jours !) nous avons passé le cap des routes se trouvant le plus au nord et le plus en altitude. A partir de Skovorodino nous étions déjà un peu rassurés et avons commencé à nous autoriser des détours touristiques. Au même moment nous avons retrouvé une famille de français, partie aussi sur les routes du monde, que nous avions rencontré au Kirghizstan ! Compte tenu des routes assez longues et monotones qu’offrent les paysages sibériens en hiver sur cette dernière portion, nous étions très contents de nous retrouver aux bivouacs du soir pour des diners plus festifs !
Nous avons donc fait un détour vers Svobodny, ville où se situe la nouvelle station spatiale russe depuis que Baïkonour est devenue kazakhe, puis le long de la rivière Zeya pour un bivouac enfin plus aux couleurs et aux températures automnales.
Pour supporter les -11°C degrés nocturnes jusque-là nous avions condamné la capucine, n’ayant plus qu’à chauffer la cellule principale. Nous dormions sur notre isolant en feutre de yourte mongol, dans nos duvets avec des couvertures en plus, de grosses chaussettes et des bonnets, notre poêle à bois chauffant une bonne partie de la soirée, et le chauffage sur 15°C le reste du temps pour ne pas geler. Avec toutes ces précautions nous n’avons finalement pas eu froid…
En route vers l’Extrême-Orient russe
A l’étape suivante de Blagovechtchensk, ville frontière avec la Chine visible de l’autre côté du fleuve Amour, les habitants ont été si étonnés de nous trouver là qu’ils ont téléphoné à la presse locale ! Photographe, cameraman et reporter n’ont pas mis une heure à venir nous interroger pour le journal de la mi-journée.
Nous avons continué vers une surprenante région autonome juive concédée par Staline pour que des colons puissent venir de toute l’Europe s’y installer. Dernière grande pause après avoir passé nos 30.000 km depuis Bruxelles, à Khabarovsk, grande ville de l’extrême orient russe avec son immense plage aménagée sur les berges de l’Amour, ses jolies églises orthodoxes, un musée des beaux-arts et surtout un très riche musée régional exposant divers objets des ethnies du grand nord. Le long de cette route nous nous sommes bercés des lectures des grands explorateurs russes qui ont réussi à avancer dans ce milieu hostile à l’extrême et avons regretté de ne pouvoir accéder, comme eux, à la péninsule du Kamtchatka et ses beaux volcans, étant tout à fait hors saison pour ce genre de balades…
Vladivostok
Arriver à Vladivostok dans un voyage comme le nôtre est presque émouvant : le bout du transsibérien, le bout de notre continent Eurasien, l’océan Pacifique à portée de main, le phare du bout du bout… Nous avons été plutôt surpris par cette ville loin de l’image de port sale et industriel que nous avions en tête : il s’agit plutôt d’un endroit branché avec des expositions d’art contemporain, des boutiques hypes, du mobilier design…et de grands ponts à haubans qui mènent aux iles de la baie où l’on trouve l’un des plus grands aquariums du monde.
Nous y avons fait une radio pour évaluer l’évolution de la fracture du pied de Nicolas, un grand ménage du camion pour qu’il soit accepté en Corée, de nombreux papiers pour le dédouanement du Truck… et nous voilà partis sur notre ferry !
Traversée maritime vers la Corée du Sud
Ayant passé la nuit à supporter difficilement une houle de 5 mètres et à longer la Corée du Nord dans un étroit couloir lumineux nous sommes arrivés à Donghea au « pays du matin calme » en se débarrassant enfin de nos manteaux ! Très peu de démarches à l’arrivée, nous ne prenons même pas de carte Sim locale car le réseau internet est le plus développé au monde… et nous avons en effet trouvé des wifi publics ouverts en permanence.
Autre culture, traditions et gastronomie
Immédiatement l’accueil est jovial, curieux, généreux ! Dès le 2ème soir nous avons été invités à diner par la propriétaire de la boutique de souvenir à l’issue de notre première visite ! Nous en avons profité pour nous faire indiquer un endroit où laver le linge, contents de retrouver des machines publiques, et avons fait tourner 70kg de textiles !
Pays de côtes et de mer nous avons réinvesti les plages et les marchés aux poissons. Très impressionnants en taille, en diversité et en quantité ceux-ci sont dépecés sur place en sushis pour les nombreux amateurs qui viennent se servir directement dans les ports.
En novembre les Coréens se ruent dans leurs parcs nationaux pour assister au « rougeoiement » des érables. Nous avons fait comme eux et avons enfin pu contempler ces magnifiques couleurs automnales après avoir fait la course à l’hiver.
En comparaison avec la Sibérie nous n’avons que 20 à 30km à rouler tous les jours pour rejoindre un centre d’intérêt, ce qui n’est pas suffisant pour le travail scolaire : changement de rythme donc, nous travaillons le matin et partons visiter lorsque tout le monde a terminé ses pages du jour.
Séoul
Nous avons ensuite rallié Séoul où nous avons trouvé à remplir nos bidons d’eau potable à l’une des nombreuses fontaines publiques avant de nous jeter dans le centre-ville. Opération inutile, après plusieurs heures nous n’avions toujours pas trouvé de parking. Nous avons finalement dû opter pour une place payante de l’autre côté de la rivière Han et proche d’une station de métro. Nous avons sillonné la ville pendant 10 jours en visite de temples, palais (du bonheur radieux, de la longévité vertueuse, de la vive réjouissance), musées (folklorique, national, contemporain, de la guerre), parcs, tombes royales, grand marchés, quartiers animés, spectacles (taekwondo, danse des masques) et montée à la tour de Séoul qui permet de se rendre compte de l’étendue de cette capitale.
De ces visites nous garderons en mémoire les belles images des coréennes qui louent des costumes traditionnels pour visiter les temples, une organisation touristique sans failles, et le net sentiment que l’occupation japonaise de la péninsule et la guerre de Corée qui a suivi (et qui n’est toujours pas officiellement terminée) a laissé des traces encore bien douloureuses.
Nous nous sommes extirpés de cette grande ville laissant encore beaucoup à visiter en étant épuisés et frigorifiés… le froid est progressivement revenu et nos batteries sont tombées à plat ! Nous avons réussi à les changer dans le premier garage de banlieue trouvé et avons ainsi pu ré-exploiter notre précieux chauffage.
A l’issue de ces visites nous avons testé nos premières « sources chaudes », palais des ablutions publiques, hommes et femmes sont séparés et on s’y rend nus ! Un petit carré de serviette est prêté à l’entrée mais il sert plutôt de gant de toilette et de couvre cheveux pour les filles qui doivent les attacher avant de rentrer dans les bains aux différentes températures. Une expérience…
Expériences coréennes
Nous avons poursuivi notre tour vers le sud, avons commencé à traverser des rizières et des plantations de thé. A côté d’innombrables temples et villes restaurées à l’ancienne, nous avons aussi visité quelques centres dédiés au céladon dont s’enorgueillissent les coréens.
La Corée du sud est, de loin, le pays le plus industrialisé de tous ceux que nous avons traversé jusque-là. Il n’existe pas d’endroits non-aménagés. Tout y est organisé, propre, impeccable, clair, esthétique… fatalement plus cher aussi. Nous avons eu globalement beaucoup plus de mal à nous alimenter : les restaurants affichant les mêmes prix que chez nous et les plats étant très épicés. Il y a peu de supermarchés, il s’agit plutôt de petits magasins de proximité qui vendent des plats préparés. Les fruits et légumes sont vendus en très petite quantité et a des prix prohibitifs. Beaucoup d’aliments nous sont inconnus, les emballages n’étant de surcroît qu’en coréen. Nous avons régulièrement dû opter pour un plan dépanne de nouilles à réhydrater (sans mettre les épices dedans qui sont atrocement piquantes) !
Cap sur le Japon
Dernière halte à Busan, 2ème plus grande ville du pays pour tenter, sans succès, de troquer nos billets de ferry pour le Japon pour une compagnie moins onéreuse, puis nous avons repris la route vers notre port d’arrivée afin de préparer notre nouvelle traversée !
Découvrez tous les récits des “Sixglobetruckers” sur leur site et dans le dossier “De Bruxelles à Sidney en truck”